
En 2023, le gouvernement français a signé un contrat de filière économique du vélo en France, visant à accélérer le développement et la structuration d’une filière de production française. Dans la continuité de cette impulsion gouvernementale, notre cabinet a réalisé la première étude dédiée à la filière des cycles en France, en s’intéressant particulièrement à sa structuration industrielle et au maillage d’entreprises qui la constitue.
Au-delà de l’état des lieux économique de la filière, cette étude éclaire les principales évolutions qui redéfinissent la filière : croissance des mobilités douces, accélération technologique, diversification des pratiques (déplacement, loisirs, sport, activité commerciale) et essor d’une économie circulaire structurée. Ces travaux doivent accompagner la structuration d’un écosystème qui occupe une place centrale dans la mobilité durable en France.
Une filière de production en plein développement
La filière des cycles est particulièrement diversifiée, avec de nombreux segments de marché : vélos, trottinettes, motos, scooters et fauteuils roulants… grâce à plus de 3 800 entreprises et près de 20 000 salariés, répartis sur l’ensemble du territoire. La filière reste toutefois fortement dépendante des importations pour les composants clés, notamment liés à l’électrique (batteries, moteurs), alors même que la dynamique marché est très porteuse ces dernières années : 3,4 Md € de chiffre d’affaires pour les cycles et trottinettes en 2023. A l’échelle européenne, la France se positionne comme le 7ème pays producteur de vélos, avec 645 000 vélos produits en 2023, le Portugal demeurant le champion européen et historique en matière de production (2 800 000 unités produites). Filière à fort potentiel, stimulée par la croissance des mobilités douces et l’électrification, elle tend à renforcer sa capacité de production et son autonomie technologique (notamment vis-à-vis de l’Asie) pour pleinement maîtriser la chaîne de valeur.
Des mutations technologiques et sociétales qui transforment l’ensemble des métiers
L’étude a mis en exergue des transformations profondes des métiers, sous l’effet de l’électrification rapide des produits. La part des vélos à assistance électrique (VAE), passée de 5 % en 2016 à 30 % des ventes en 2023, illustre le basculement technologique du secteur. Cette évolution exige de nouvelles compétences, centrées sur l’électronique, les systèmes embarqués, la gestion de logiciels et la maintenance spécialisée, bien au-delà des savoir-faire mécaniques historiques, communément associés à la réparation de cycles. En outre, l’attention croissante portée à la durabilité, à l’écoconception et au recyclage, particulièrement par les consommateurs français, conduit les entreprises à intégrer des réflexions relatives à l’économie circulaire. Ces réflexions se traduisent notamment par le développement d’activités de diagnostic, de reconditionnement et de traitement des batteries de l’ensemble des produits électrifiés. En complément des évolutions intervenant dans la fabrication et l’assemblage des produits, la diversification des usages entraîne également l’émergence de nouveaux segments de marchés, particulièrement au sein des boutiques-ateliers de cycles, tels que la personnalisation haut-de-gamme où les cycles à usage commercial (cyclo logistique). Ainsi, les profils recherchés doivent désormais être en capacité d’articuler des notions techniques, de service et de relation client pour répondre aux attentes grandissantes des consommateurs.
Un secteur en forte croissance, générant de nouveaux besoins en compétences
La filière bénéficie d’une dynamique d’emploi particulièrement soutenue ces dernières années. Entre 2016 et 2023, l’emploi industriel lié à la fabrication a progressé de 30 %, tandis que le nombre d’établissements est passé d’environ 1 800 à 3 800. Cette croissance résulte à la fois de la montée en puissance du marché, de l’émergence de nouveaux métiers et de la structuration progressive d’un écosystème industriel plus robuste. Certains territoires, comme la région Auvergne-Rhône-Alpes ou l’Occitanie, apparaissent comme de véritables pôles industriels, concentrant des entreprises historiques, des assembleurs, des acteurs de l’innovation ou des spécialistes de l’électronique, permettant une montée en gamme des produits mis sur le marché. Toutefois, cette dynamique occasionne une tension sur les compétences, en particulier sur les métiers techniques (assemblage, qualité, industrialisation, maintenance électrique), mais aussi sur les fonctions liées au numérique, à la logistique, aux services et à la commercialisation. Le secteur cherche ainsi à mieux anticiper ses besoins et structurer des parcours professionnels pour les salariés davantage adaptés à ces évolutions : polyvalence des expertises, montée en qualification des salariés entrants… Cette anticipation est essentielle pour sécuriser la croissance et renforcer la compétitivité des entreprises de la filière, sous pression d’une concurrence internationale très importante.
Une offre de formation qui doit se structurer autour des nouveaux besoins métiers de la filière
Le diagnostic de la filière et les retours des différents acteurs historiques a révélé un décalage entre l’offre de formation disponible et les besoins exprimés par les entreprises. La polyvalence des expertises (mécanique, électronique, numérique) est couverte par des cursus existants, mais ces derniers conduisent majoritairement à des secteurs industriels plus classiques (automobile, aéronautique…). Les formations spécialisées sur les batteries et la motorisation des cycles restent rares, alors qu’elles deviennent centrales dans les métiers émergents au sein de la filière. Enfin, l’attractivité des formations dédiées aux cycles reste à renforcer, notamment en rendant plus clair les parcours professionnels possibles au sein de la filière ou en renforçant la valorisation des métiers, assez peu connu du grand public. La montée en compétence, dans un contexte concurrentiel, constitue un levier essentiel pour accompagner l’essor de la filière et sécuriser le développement de ses entreprises, particulièrement pour les TPE-PME.
Construire une trajectoire industrielle pérenne : leviers stratégiques pour la filière
Cette étude a permis d’identifier différentes pistes d’actions pour la filière, afin de renforcer sa compétitivité et sa résilience. On peut notamment citer les actions suivantes :
- renforcer le développement des capacités de production (batteries, moteurs) pour réduire la dépendance aux importations
- favoriser la montée en gamme de la fabrication sur le territoire et développer davantage les activités d’assemblage en France
- associer le développement de la filière des cycles à la constitution d’une filière batterie française, en profitant de l’expertise développée par la filière automobile
- organiser à l’échelle nationale la logique d’économie circulaire de la filière, en associant la fabrication des cycles aux activités de réparation, réemploi et recyclage
- renforcer les relations entre les entreprises, industriels et les acteurs de formation en territoire, pour prémunir la filière de possibles pénuries de compétences.
Principales réalisations
- Analyser les principaux segments de produits de la filière et leur poids économique en France (volume de vente, emplois créés, maturité de la chaîne de valeur)
- Identifier les métiers émergents et les nouvelles compétences mobilisés
- Réaliser une enquête auprès des acteurs du secteur pour identifier les principales évolutions en cours au sein de la filière
- Recenser l’offre de formation existante et les écarts avec les besoins des entreprises
Chiffres clés
- 20 000 salariés présents la filière, avec une croissance de 30 % des emplois dans la fabrication entre 2016 et 2023 (soit 4 000 salariés au total)
- 3 800 entreprises répartis sur l’ensemble du territoire
- 645 000 vélos produits en France en 2023
Pour en savoir plus, consultez l’étude publiée par l’Observatoire Paritaire de la Métallurgie et OPCO 2i.

