
La Direction de l’Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques (DARES) a récemment publié la version 2023 des portraits statistiques des branches professionnelles, intégrant un nouvel indicateur essentiel : le respect de l’Obligation d’Emploi des Travailleurs Handicapés (OETH).
Depuis la loi de 1987, les entreprises d’au moins 20 salariés doivent compter 6 %* de personnes en situation de handicap parmi leurs effectifs, via l’emploi direct, l’accueil de stagiaires ou le recours à des structures adaptées. Pour affiner le suivi, la DARES publie désormais le taux d’emploi direct en équivalent temps plein (ETP) de travailleurs handicapés, intégrant un dispositif de majoration valorisant les salariés de 50 ans et plus.
Un indicateur de valorisation pour les salariés expérimentés
Concrètement, chaque travailleur en situation de handicap de 50 ans ou plus est comptabilisé avec un coefficient de 1,5 au lieu de 1. Ce mécanisme vise à encourager le maintien dans l’emploi des seniors en situation de handicap, souvent confrontés à des difficultés supplémentaires d’insertion.
Des branches qui se distinguent en matière d’inclusion
Les résultats publiés par la DARES mettent en lumière plusieurs branches qui se distinguent concernant l’intégration des travailleurs en situation de handicap :
- Les établissements pour personnes inadaptées et handicapées atteignent un taux d’emploi direct majoré de 8,2 %.
- Les industries et le commerce de la récupération affichent un taux de 7,9 %
- Les industries de transformation de volaille enregistrent un taux de 7,4 %.
D’autres secteurs, comme les industries du caoutchouc, du cartonnage ou de la salaison-charcuterie en gros, ont également des indicateurs qui traduisent une mobilisation forte en faveur de l’inclusion.
Pourquoi certains secteurs réussissent mieux : décryptage
- Les conditions de travail et l’adaptabilité des postes
Les secteurs qui intègrent plus aisément des personnes en situation de handicap peuvent être ceux où les postes sont aménageables, avec une diversité de métiers permettant d’adapter les missions aux capacités et aux besoins de chacun. A contrario, certains secteurs se caractérisent par des métiers physiquement exigeants ou comportant des risques spécifiques (manutention, posture debout prolongée, environnement bruyant ou stressant), où une réflexion globale sur les conditions de travail doit avoir lieu pour permettre l’adaptation de l’environnement de travail.
- La taille des entreprises et les ressources mobilisables
Les petites entreprises, très présentes dans certaines branches, peuvent présenter des marges de manœuvre plus étroites pour aménager les postes ou recruter des profils spécifiques. Elles peuvent également manquer de services RH structurés ou d’informations sur les dispositifs d’accompagnement disponibles. Les grandes entreprises, quant à elles, ont généralement des ressources humaines plus structurées, des dispositifs de formation adaptés et un accompagnement renforcé pour favoriser l’insertion des travailleurs handicapés. Elles bénéficient également d’une meilleure connaissance des dispositifs d’aides et d’accompagnement existants. Le rôle des branches professionnelles est ainsi essentiel dans la diffusion d’informations et l’outillage, notamment des plus petites structures, sur les thématiques de diversification des recrutements.
- Une culture sectorielle de l’inclusion
La surreprésentation du domaine de la santé parmi les branches intégrant le plus de personnes en situation de handicap peut s’expliquer par le fait que les structures médico-sociales entretiennent souvent une culture forte de l’accompagnement et de l’inclusion. Elles sont ainsi mieux préparées à identifier les besoins spécifiques, à aménager les postes et à proposer un environnement de travail adapté.
Au-delà du secteur de la santé, l’ensemble des branches professionnelles peuvent impulser une dynamique positive en faveur de l’intégration des travailleurs handicapés, notamment par la mise en place d’actions de sensibilisation régulières, de partenariats avec des structures spécialisées, et de politiques actives de recrutement et de maintien dans l’emploi.
- Une diversification des recrutements encouragée par de fortes tensions
Les tensions persistantes sur le marché du travail jouent également un rôle de catalyseur en matière d’inclusion des personnes en situation de handicap. Face aux difficultés croissantes à recruter sur certains métiers en tension, que ce soit en raison de conditions de travail spécifiques, d’une pénurie de main-d’œuvre ou d’une faible attractivité perçue, les entreprises sont incitées à diversifier leurs viviers de recrutement et à élargir le type de profils recherchés. L’emploi des personnes en situation de handicap s’inscrit alors comme une réponse pragmatique et inclusive à ces besoins en recrutement.
Les leviers de réussite : quelles clés pour l’inclusion ?
Les différences entre les branches peuvent ainsi être dues à plusieurs facteurs :
- L’adaptabilité des postes de travail : les secteurs proposant des métiers diversifiés ou modulables ont souvent plus de facilité à accueillir des profils variés.
- La structuration des entreprises : les grandes entreprises et les structures accompagnées (par leur branche professionnelle, leur fédération, des organismes spécialisés comme l’AGEFIPH) déploient plus aisément des politiques d’inclusion des personnes en situation de handicap.
- La culture inclusive : les branches ayant une tradition d’engagement social et sociétal encouragent davantage les entreprises à se conformer à l’OETH.
- La diversification des viviers de recrutement : les difficultés de recrutement peuvent être un facteur important dans la diversification du sourcing des entreprises et la mobilisation de dispositifs favorisant l’embauche des personnes en situation de handicap.
En conclusion, la publication des données sur l’OETH par la DARES constitue un levier déterminant pour mettre en lumière les bonnes pratiques et encourager l’ensemble des branches professionnelles à intensifier leurs actions en faveur d’un marché du travail plus inclusif. Une mobilisation d’autant plus nécessaire qu’en 2023, le taux de chômage des personnes reconnues en situation de handicap atteignait encore 12 %, contre 7 % pour l’ensemble de la population active (DARES, 2023).
Consulter les portraits statistiques des branches professionnelles (DARES)
* Le taux de 6 % est théorique car, dans la pratique, l’arrondissement à l’unité inférieure fait baisser ce taux.