
La France forme aujourd’hui une génération de jeunes hautement diplômés, mais dont les compétences ne répondent pas toujours aux besoins du marché du travail. Entre déclassement et pénurie de main-d’œuvre, ce désalignement entre formation et emploi révèle une répartition imparfaite des diplômes au sein des formations françaises.
Des jeunes de plus en plus diplômés
En 2023, 52 % des jeunes de 25 à 29 ans sont diplômés du supérieur, soit une progression de 11 points en vingt ans (Insee, 2025). Ce chiffre illustre l’expansion de l’enseignement supérieur en France : en quarante ans, la proportion de bacheliers a bondi de 50 points pour atteindre près de 80 % d’une génération. Cette démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur, bien que souvent présentée comme un succès collectif, n’a jamais été autant en décalage avec les besoins du marché.
Le déclassement professionnel concernerait un salarié sur cinq en France (Insee, 2023). Il s’accompagne d’un sentiment de frustration et de perte de sens chez les jeunes actifs. Pour ces nouveaux entrants sur le marché du travail, la désillusion est forte : malgré des CV prestigieux et cohérents, l’accès à un emploi stable ou qualifié reste complexe. Beaucoup se heurtent à un marché du travail saturé sur certains niveaux de qualification et à des employeurs qui les jugent « trop diplômés ». Paradoxalement, l’excès de diplôme devient un frein, alors qu’il était historiquement perçu comme la clé de la réussite.
En parallèle, des tensions de recrutements pour les métiers les moins qualifiés
Cette difficulté des surdiplômés à s’insérer sur le marché du travail contraste fortement avec les tensions de recrutement dans certains secteurs. Dans l’aéronautique et le spatial par exemple, 25 000 postes seront à pourvoir d’ici 2025, selon France Travail, et 60 % des entreprises de la filière peinent à recruter. De plus, la majorité des métiers en tension dans une filière, le sont également au sein d’autres filières : une concurrence s’installe alors pour récupérer ces profils.
Ainsi, pendant que des diplômés Bac+5 peinent à s’insérer, des métiers techniques essentiels restent vacants. En effet, poussés par la valorisation sociale du diplôme, les jeunes cherchent à obtenir le diplôme le plus élevé, tandis que les entreprises sont à la recherche d’ouvriers et de techniciens, diplômés d’un bac pro ou d’un BTS. De plus, même pour les étudiants ayant suivi ces formations davantage techniques, une part importante choisit ne pas s’insérer directement dans le monde professionnel. Par exemple, 75 % des élèves inscrits en bac professionnel aéronautique poursuivent leurs études plutôt que d’intégrer immédiatement le marché du travail (Onisep). Cette situation limite l’alimentation du vivier d’ouvriers qualifiés dont la filière a pourtant besoin. En effet, il y a un réel enjeu pour les entreprises de recruter ces profils clés car le manque de main-d’œuvre disponible risque de freiner la production et de fragiliser la chaîne d’approvisionnement. Elle révèle également un problème culturel : la sous-valorisation des filières techniques et manuelles, souvent perçues comme des voies de relégation sociale, alors qu’elles constituent aujourd’hui un réel besoin des entreprises ainsi qu’un levier essentiel de souveraineté industrielle.
Cette faible attractivité des métiers techniques s’explique aussi par un déficit d’image de certains métiers. Ils souffrent de préjugés, associés à la pénibilité ou à des horaires contraignants, alors que les conditions de travail s’améliorent et que les rémunérations deviennent plus attractives.
En effet, l’Insee rappelle que dans le secteur privé, le salaire des ouvriers a progressé de 15,9 points sur la période 1996-2023, soit plus rapidement que celui des autres catégories socioprofessionnelles (Insee, 2024). 
Valoriser les métiers les moins qualifiés : un enjeu de formation professionnelle
Ainsi, au moment de rentrer sur le marché du travail, les jeunes se retrouvent souvent surqualifiés par rapport aux besoins terrains. Le défi n’est donc plus seulement de former plus, mais de former là où est le besoin, en menant des actions telles que :
- Revaloriser « symboliquement » les métiers techniques et industriels via des campagnes de communication pour les faire connaître et lutter contre les préjugés associés.
 
- Repenser la relation école-entreprise en impliquant les entreprises dans la formation (coanimation de modules de formation, mentorat, fourniture d’équipement / plateau technique…) et en favorisant l’insertion et la découverte des métiers (accueil des étudiants en stage / apprentissage dans les entreprises, portes ouvertes…).
 
- Favoriser la féminisation des métiers ouvriers afin de disposer d’un vivier de salariés encore inexploité. En effet, en prenant toujours pour exemple les métiers de l’aéronautique et de l’aérien, on ne compte que 6 % de femmes parmi les élèves du CFA des métiers de l’aérien.
 
- Promouvoir une culture de la formation continue auprès des employeurs et des salariés, afin de favoriser la montée en compétences des salariés par rapport aux besoins en formation ainsi qu’aux transformations technologiques et organisationnelles en cours dans ces secteurs.
 
Le cabinet KYU vous accompagne dans l’identification des freins au recrutement que vous rencontrez ainsi que dans la mise en œuvre de démarche de Gestion des Emplois et des Parcours Professionnels (GEPP). Notre expertise vous permet de renforcer votre marque employeur, d’améliorer l’attractivité de vos métiers et de fidéliser vos salariés, ainsi que de vous aider à anticiper vos besoins, à adapter vos effectifs et développer les compétences critiques nécessaires aux transformations en cours dans votre secteur.
Sources :
- « Depuis ce matin, on n’a pas reçu un seul CV de technicien » : ces candidats peu qualifiés que l’aéronautique s’arrache », Les Echos, septembre 2025
 
- L’essentiel sur… les salaires, Insee, 2024 https://www.insee.fr/fr/statistiques/7457170
 

          